Archive pour le 27.03.2008

Interdit d’interdire.

jeudi 27 mars 2008

Mauvaise nouvelle ! Persepolis, le film de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (succès populaire en France, et partout dans le monde où le film est sorti) est interdit au Liban. La raison invoquée par la Sûreté générale est que le film dénigrerait la République islamique d’Iran. Atteinte à l’image de marque d’un régime qui n’est lui-même pas ce qu’il y a de plus tolérant.

Ce qui est clair dans cette affaire, c’est ceci : la question de juger d’une œuvre artistique relève au Liban d’une instance coercitive, pour ne pas dire policière : la Sûreté générale. Il revient donc à celle-ci d’avoir un avis sur un film, sur une pièce de théâtre ou sur un lire. La Sûreté générale au Liban dispose-t-elle de lecteurs, de spectateurs avisés et neutres, bons connaisseurs du cinéma ? On n’en sait rien. On conviendra que tout cela n’a rien de très rassurant. Comme toujours, la censure prend les œuvres au pied de la lettre. Pour elle tout film, livre, œuvre est porteur d’un message, donc susceptible de faire de la propagande (pour qui ?), de se confondre avec un discours politique (pour quelles idées, quel parti ?), et à ce titre relève d’une censure possible.

Bande dessinée adaptée au cinéma, Persepolis est en quelque sorte le journal intime de Marjane Satrapi, dans lequel elle rend compte avec humour et distance, et à la première personne, de ce qu’était la vie quotidienne d’une fillette ou d’une adolescente, et de sa famille, à l’époque du Shah, puis sous le régime des mollahs. Drôle, mais en fait pas si drôle que ça. A moins que l’horreur soit drôle… Si l’on en croit les censeurs libanais, ce film s’il était autorisé à sortir dans les salles, porterait atteinte à l’image de marque d’un pays ami : l’Iran. Le ministre de la culture libanais, M. Tareq Mitri, a déclaré au Monde qu’il se battrait pour faire lever cette interdiction aussi bête qu’absurde. On l’y encourage fermement, on compte sur lui, en espérant qu’il parviendra à interdire cette interdiction.

Flash-back. Difficile de ne pas évoquer l’appel récent au boycott du Salon du livre à Paris, sous prétexte que le pays invité était Israël, représenté par une quarantaine d’écrivains de renom (Amos Oz, David Grossman, Aharon Appelfeld…). Plusieurs pays arabes –dont le Liban – avaient appelé au boycott du Salon, de même que des associations d’écrivains arabes, confondant la culture d’un pays avec son régime politique.

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans le monde actuel. Méchant symptôme : ce fantasme, y compris chez des écrivains ou des hommes de culture, de faire la police, d’interdire, de boycotter, d’exercer le droit de vie ou de mort sur des œuvres. En bref, de refuser, d’empêcher tout dialogue. Que ce soit au Liban avec Persepolis, ou à Paris avec le refus de participer à un salon aux côtés d’écrivains parce qu’ils ont la nationalité israélienne, on a à faire à la même bêtise, au même dogmatisme, au même obscurantisme. Au même refus d’ouvrir une fenêtre sur le monde.       

Post-scriptum. Vendredi 28 mars. Selon un communiqué de l’AFP, je cite : « Les autorités libanaises sont revenues jeudi sur la décision d’interdire la diffusion du film d’animation Persepolis, après de vives critiques dans les milieux politiques et culturels, a annoncé la Sûreté générale dans un communiqué. La Sûreté générale, qui avait interdit le film, a précisé que c’est le ministère de l’Intérieur, dont elle dépend, qui « a décidé d’autoriser la diffusion du film au Liban. » Bonne nouvelle pour Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. On a aussi compris que le ministère de l’Intérieur et la Sûreté générale, au Liban, pouvaient ne pas être sur la même longueur d’onde…