Archive pour le 10.2007

Roger Vailland et le cinéma

mercredi 31 octobre 2007

Lundi 29 octobre à la Cinémathèque : soirée exceptionnelle consacrée à Roger Vailland, dont on célèbre cette année le centenaire. Organisée avec la Maison des écrivains et de la littérature, grâce à l’enthousiasme de sa directrice Sylvie Gouttebaron. Et avec la complicité de Marie-Noël Rio, ayant droit de Roger Vailland.

Le thème de cette soirée : « Roger Vailland et le cinéma ». Mais d’abord, qui connaît Roger Vailland de nos jours ? Pourquoi est-il moins lu ? Son oeuvre romanesque aurait t-elle perdu de son aura ? Il en fut question, lors d’une petite table ronde à laquelle participaient Marie-Noël Rio, Philippe Garbit (de France Culture, auteur d’un passionnant ouvrage d’entretien avec Elisabeth Vailland : Drôle de vie (JC Lattès), qui reparaît à l’occasion du centenaire de l’écrivain, et François Leterrier, le réalisateur des Mauvais coups, tourné en 1961, avec Simone Signoret, Alexandra Stewart, Reginald Kernan et Serge Rousseau. Les mauvais coups demeure sans doute le plus beau film adapté d’un roman de Vailland. François Leterrier évoqua sa collaboration avec Roger Vailland de manière très intéressante, de même que le choix de Signoret pour incarner le personnage de Roberte. Je signale, en passant, que Les Mauvais coups a été édité en DVD (chez Pathé Classique). Film à voir ou à revoir.

Roger Vailland est né en 1907. À vingt ans, il fonde à Reims, avec ses amis René Daumal et Roger-Gilbert Lecomte, le Grand Jeu, un mouvement littéraire très original, radical sur le plan littéraire, proche des surréalistes, inspiré de Rimbaud, attiré par les expériences limites. À Paris, ces jeunes gens très excités se rapprochent des surréalistes, de quelques années leurs aînés. Mais cela ne prend pas. Vailland commence sa carrière dans le journalisme, avec de devenir romancier. Et puis, la Résistance, la drogue et l’alcool, les voyages au long cours, les femmes, le jeu, l’engagement politique au sein du Parti communiste, la prise de distance après les événements en Hongrie de 1956. Il écrit, entre autres : Drôle de jeu, Les mauvais coups, Beau Masque, 325 000 francs, La Loi (prix Goncourt en 1957), La Fête et pour finir La Truite, son dernier roman paru en 1965, l’année de sa mort, qui sera adapté en 1982 par Joseph Losey (avec Isabelle Huppert et Jeanne Moreau).

Vailland et le cinéma. Comme tant d’autres écrivains, Vailland fut bien sûr tenté par le cinéma. Après guerre, il collabore avec Louis Daquin (une adaptation de Bel-Ami de Maupassant), mais surtout avec Roger Vadim. Trois films : Les Liaisons dangereuses, Et mourir de plaisir, puis Le Vice et la vertu. Avec René Clément (Le Jour et l’Heure), Alberto Lattuada (La Novice), Jules Dassin (qui adapte La Loi, avec Yves Montand, Gina Lollobrigida). François Leterrier évoqua sa jeunesse en khâgne, son admiration pour Roger Vailland, l’écrivain engagé. Pour sa génération, Vailland incarnait l’un des deux versants de l’engagement politique et romanesque, l’autre étant André Malraux.

Pour ouvrir la soirée, un très beau document provenant de l’Ina : un extrait de la fameuse émission « Lectures pour tous », qu’animait le génial Pierre Dumayet. Celui-ci recevait sur son plateau Vailland, au moment de la sortie de son roman La Fête (paru en 1964 chez Gallimard). L’entretien est dense, d’une grande sincérité ; Vailland refuse la problématique de l’autobiographie romanesque, dans laquelle tente de l’enfermer Dumayet. Ce dernier insiste, tente de le contourner. Et Vailland, « le visage comme un bec », délivre un propos passionnant sur la notion de « fête », exercice de souveraineté en amour. Relire ce roman, La Fête, dont Didier Sauvegrain lut ensuite, de manière incroyablement juste, un chapitre, pour notre très grand plaisir. C’est un des derniers chapitres du roman, quand Duc, le personnage central et le narrateur de La Fête, s’apprête à rejoindre Lucie, la jeune femme qu’il veut séduire, la femme de son jeune ami Jean-Marc. Elle est dans le train, il roule dans sa D.S. Ils ont rendez-vous à Mâcon. Ils vont à la fête. Pour Vailland Duc va à l’amour. Comme il va à la vie. Comme il allait, bien des années auparavant, à son vice. Ou à la révolution. Ou encore au surréalisme…

Alexandra Stewart, Philippe Collin, qui fut l’assistant de Leterrier sur Les Mauvais coups, et Leterrier lui-même, évoquèrent, avant la projection du film, le tournage, les relations parfois difficiles avec Simone Signoret, qui est sublime dans le film. C’est l’époque où Montand est loin d’elle, en Amérique. Avec une autre femme. Inutile de dire avec qui. Tout le monde connaît la légende. Cette conversation autour de Vailland aurait pu durer des heures, tant il y avait à dire sur cet écrivain devenu rare. Mais qu’il faut relire. Conseil d’ami.

Robert Redford et Tom Cruise à la Cinémathèque

lundi 29 octobre 2007

Soirée exceptionnelle à la Cinémathèque jeudi dernier, le 25 octobre. La Cinémathèque accueillait en effet Robert Redford et Tom Cruise, à l’occasion de l’avant-première parisienne de Lions for Lambs (Lions et Agneaux, sortie le 21 novembre prochain), le nouveau film réalisé par Robert Redford, dans lequel joue également Meryl Streep. Ce film fait débat aux Etats-Unis, parce qu’il traite de l’intervention militaire en Afghanistan. Tom Cruise interprète un sénateur républicain à la fois séduisant et inquiétant, juvénile et ambitieux, mélange de candeur et de cynisme, confronté à une journaliste de télévision (Meryl Streep) hostile à l’intervention militaire en Irak. Redford joue dans son propre film le rôle d’un professeur humaniste qui tente de convaincre un élève quelque peu dilettante de poursuivre ses études universitaires.

Cette soirée était à l’initiative de la Cinémathèque française, de la Twentieth Century Fox, de MGM et de United Artistes. Robert Redford lui-même avait souhaité que son film soit présenté à la Cinémathèque. Dans son discours d’accueil, Costa-Gavras, président de la Cinémathèque, rendit hommage à l’acteur, au réalisateur et au producteur, et à celui qui fit de Sundance le festival de cinéma le plus important des Etats-Unis. Christine Albanel, la ministre de la culture et de la communication, fit à son tour l’éloge de Robert Redford, rendant hommage à son talent en citant quelques-uns des films légendaires dans lesquels cette grande star du cinéma américain a joué : Butch Cassidy et Billy le Kid (Roy George Hill), The Candidate (Votez McKay, de Michael Ritchie), Jeremiah Johnson, The Way We Were (Nos plus belles années), Les Trois Jours du Condor et Out of Africa de Sydney Pollack, L’Arnaque (Roy George Hill), The Great Gatsby (Gatsby le Magnifique, de Jack Clayton), Les Hommes du Président (Alan Pakula), etc. Sans parler des films réalisés par Redford lui-même : Ordinary People, Au loin coule une rivière ou L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux.

Costa-Gavras et Christine Albanel rendirent également un fervent hommage à Tom Cruise, mentionnant quelques-uns des grands cinéastes avec lequel il collabora : Martin Scorsese (Colour of Money), Brian De Palma (Mission : Impossible), ou Stanley Kubrick (Eyes Wide Shut). Après que Costa-Gavras eut offert à ses deux invités une carte d’accès permanente à la Cinémathèque, Tom Cruise et Robert Redford remercièrent leurs hôtes, honorés d’être accueillis dans une institution aussi prestigieuse. Robert Redford rappela que dans sa jeunesse, il avait fait une partie de ses études à Paris, et qu’il lui arrivait de fréquenter la Cinémathèque de Chaillot.

Avant de monter sur scène, Tom Cruise avait passé plus d’une heure sur le parvis de la Cinémathèque, signant des autographes au milieu de centaines de fans, se faisant photographier ou répondant aux questions des journalistes de télévision.

Pendant la projection de son film, à laquelle assistaient de très nombreux invités, Robert Redford visita en compagnie de Costa-Gavras l’exposition permanente «Passion Cinéma», curieux et admiratif des trésors de la Cinémathèque française.

Il va sans dire que ce genre d’événement est important pour nous. La renommée de la nouvelle Cinémathèque a semble-t-il traversé l’Atlantique. L’an dernier, nous avions accueilli Sydney Pollack, venu présenter Sketches of Frank Gehry, son documentaire sur l’architecte qui construisit le bâtiment du 51 rue de Bercy. Nul doute que Pollack fît l’écho de cette visite auprès de son ami Redford qu’il dirigea dans de nombreux films. En septembre dernier, nous accueillions Sidney Lumet. Ainsi va la Cinémathèque, maison de tous les cinéastes. Dans quelques jours, c’est Stephen Frears qui nous fait la gentillesse de venir, pour parler d’un cinéaste qu’il admire tout particulièrement : Humphrey Jennings (1907-1950), documentariste de tout premier plan.

Devoir de mémoire

mercredi 24 octobre 2007

Nous avons appris avec tristesse la disparition de Renée Lichtig, le 16 octobre dernier. Cette figure attachante était depuis toujours une amie de la Cinémathèque française, dont elle était membre d’honneur du conseil d’administration. Pour ceux qui ne l’ont pas connue, Renée Lichtig était, avec sa sœur Lucie, une des pionnières ayant œuvré aux côtés d’Henri Langlois, contribuant grandement au rayonnement de la Cinémathèque. Elle avait été chef-monteuse de metteurs en scène comme Jean Renoir, Robert Parrish, Nicholas Ray, Claude Jutra ou Étienne Perrier, parmi autres. À la Cinémathèque, responsable du Département des collections films, elle a mis son savoir-faire au service de la restauration des films, reconstituant de nombreux chefs-d’œuvre. Par exemple, aux côtés d’Erich Von Stroheim : Wedding March (La Symphonie nuptiale), ou encore le Casanova de Volkoff. Elle a également contribué à l’essor des collections « non film », faisant don récemment de ses archives, ainsi que celles de sa sœur Lucie et son frère José, disparus quelques années avant elle. Depuis sa retraite en 1993, Renée Lichtig a continué de participer aux activités de la Cinémathèque française. Ses obsèques auront lieu aujourd’hui même, au cimetière du Montparnasse.

Des personnes disparaissent, et emportent avec elles leurs souvenirs et leur mémoire. Cela concerne chacun, dans sa famille, avec ses amis, et dans sa vie. S’agissant du cinéma, il y va aussi d’une mémoire vive, ayant trait à l’histoire du cinéma : histoire des films, mais aussi histoire de leur conception, de leur fabrication, de leur diffusion. La révolution numérique qui est en marche risque de tout bousculer sur son passage. Les métiers évoluent en raison des bouleversements techniques ou technologiques. Certains professionnels du cinéma, on serait tenté de dire : tous les professionnels du cinéma, sont et seront confrontés à cette évolution rapide, inéluctable, qui modifie sensiblement la chaîne de fabrication des films. La Cinémathèque a eu l’idée de mettre sur pied un Conservatoire des techniques cinématographiques. L’initiative en revient à Laurent Mannoni, historien du cinéma (il a écrit l’an dernier une Histoire de la Cinémathèque française, parue chez Gallimard), qui veille passionnément sur la très belle collection d’appareils de la Cinémathèque française. Conserver toutes ces machines, caméras, appareils magiques liés à la captation et l’enregistrement des images et des sons, et à la projection, a du sens. A condition d’en faire usage. Alors, un Conservatoire des techniques cinématographiques : de quoi s’agit-il ? Il s’agit de raconter l’Histoire du cinéma sous l’angle de ses techniques, de ses machines et appareils souvent mises au point par des pionniers, des inventeurs hors pair. Au moment où le numérique arrive, il est temps de se pencher sur les évolutions marquantes ou signifiantes qui ont bousculé le cinéma dans ses écritures ou ses styles. Laurent Mannoni a fait appel à des universitaires, des chercheurs, des techniciens, des directeurs de la photographie, et d’autres encore. Font partie du conseil d’orientation de ce Conservatoire, des personnes qualifiées, je pense à François Ede (directeur de la photographie et cinéaste, l’homme qui, il y a quelques années, avait découvert que Jacques Tati avait tourné Jour de Fête en couleur), à André S. Labarthe, à Pierre Lhomme (un des plus grands directeurs de la photographie du cinéma français), à Jean-Pierre Neyrac (des Laboratoires Neyrac), à des universitaires, et d’autres encore. Bientôt ce Conservatoire sera en mesure de développer de nouvelles initiatives. Séminaires sur l’histoire technique du cinéma, conférences mensuelles (à partir de janvier 2008) à la Cinémathèque, sur tel ou tel appareil, tel ou tel machine ayant trait à la fabrication des œuvres cinématographiques. La mémoire du passé fait encore partie de notre présent. Il est vital, me semble-t-il, de la garder, d’y veiller. C’est un des rôles de la Cinémathèque.

Triple lanterne de projection

Le rôle de la Cinémathèque

mercredi 17 octobre 2007

La Cinémathèque a changé d’échelle. Ses activités se sont multipliées. Et le public est au rendez-vous. Tout cela est lié à l’installation rue de Bercy. La programmation de nos trois salles, les ateliers et séances pédagogiques auprès des élèves, collégiens et enseignants du scolaire, les rencontres autour de cinéastes (la dernière en date : avec Sidney Lumet), ou de professionnels du cinéma, les expositions consacrées au cinéma (celle sur Sacha Guitry ouvre demain : il faut s’y précipiter !), l’ouverture de la librairie, etc. L’offre publique s’est accrue, suite logique au redéploiement de notre institution.

Certains directeurs de salles indépendantes parisiennes ont mal réagi à ce renouveau de la Cinémathèque. Ils nous reprochent d’exercer à leur encontre une concurrence déloyale en termes de programmation comme de politique tarifaire. Pour apaiser leurs craintes, nous avons entamé avec eux des discussions amicales visant à la mise en place de nouvelles règles en matière de location de films dont les droits de distribution leur appartiennent, même si ces films font partie des collections de la Cinémathèque. Nous ferons tout pour apaiser ces craintes, en partie fondées. Mais on ne fera croire à personne qu’elles datent de la réouverture de la Cinémathèque. Le processus de redéploiement des salles de cinéma parisiennes (en particulier vers les Halles ou vers Bercy), comme d’ailleurs dans la région parisienne et les grandes villes de province, a été lourd de conséquences. L’ancien public cinéphile n’est plus là où on le trouvait il y a dix ou quinze ans : il est aujourd’hui partout et nulle part, achète des DVD, regarde des films du patrimoine à la télévision ou sur internet, fréquente la Cinémathèque et les salles Art et Essai. Il va là où sa curiosité le guide. Moins fidèle, plus volatil. Mais toujours là ! Chacun sait que le développement des multiplexes a eu des conséquences très fortes sur le mode d’accès aux films. En général, au détriment des salles implantées dans les centres villes. C’est vrai, le Quartier latin n’est plus ce qu’il était… Au-delà de la nostalgie, il y a ce fait indiscutable : la Cinémathèque n’est pas, ne peut pas être et ne sera pas un obstacle au rayonnement de l’Art et Essai. Elle demeure ce qu’elle a toujours été : un musée du cinéma. C’est-à-dire un lieu qui montre le cinéma, tout le Cinéma, en partant des origines et en remontant le fil ou les fils de son histoire.

La grande majorité des films que programme la Cinémathèque ne sont plus en distribution. Ce sont des films qui appartiennent au « répertoire » mais qui ne circulent plus sur les écrans, y compris ceux classés « Art et Essai ». Ainsi, lorsque la Cinémathèque programme 45 films de Yasuzo Masumura (ce qu’elle a fait depuis le mois de septembre), seuls quatre d’entre eux sont encore en distribution. Nous faisons venir ces films de Masumura du Japon, nous en faisons les sous-titres et nous les programmons à raison de deux séances par film. Pour un public de curieux. Cela ne ressemble en rien à une exploitation commerciale. Parce qu’elle est un musée, la Cinémathèque programme des intégrales d’auteurs. Il en est ainsi de Sacha Guitry (à partir du 17 octobre, et pendant deux mois), dont les films plus connus sortent en même temps dans quelques salles d’Art et Essai et sont programmés sur des chaînes cinéphiles. Sans parler des films du grand documentariste anglais, Humphrey Jennings, inconnu des spectateurs les plus avertis et dont aucun film n’est en distribution.

A nos amis exploitants et distributeurs de l’Art et Essai, nous disons ceci : que la Cinémathèque redevienne un lieu vivant, attirant une nouvelle génération de spectateurs, ne peut être qu’un encouragement au renouveau d’un public fervent et curieux, susceptible de fréquenter aussi les salles de répertoire. Montrer Guitry ici donne envie de revoir Guitry ailleurs. C’est une logique positive, qui redonne au cinéma que nous aimons une visibilité.

La Cinémathèque, c’est aussi autre chose. Des collections, des appareils, une bibliothèque du film. La collecte permanente de tout ce qui touche à l’histoire du cinéma et « la fabrique » des films. Le « non film », formule étrange qui définit les éléments les plus divers qui concourent à la réalisation des films (du scénario à l’affiche, en passant par les éléments de décors, costumes, appareils, etc.), a lui aussi pris une nouvelle dimension. C’est plus manifeste encore depuis la fusion récente intervenue entre la Bifi (Bibliothèque du film) et la Cinémathèque, au début de cette année 2007.

Un exemple particulièrement intéressant concerne les archives de Louis Malle. Celui-ci de son vivant avait commencé à confier à la Cinémathèque une partie de ses documents. A sa mort survenue en 1995, sa famille décida de confier à la Bifi la totalité des archives du cinéaste, nombreuses et très diverses (scénarios annotés, correspondances, etc. : plus de 1000 boîtes d’archives !). Les équipes de la Bifi ont alors entrepris un passionnant travail de classement, de catalogage, d’indexation. Ce travail est aujourd’hui achevé. La Cinémathèque est heureuse de mettre ce « Fonds Louis Malle » à la disposition des chercheurs, des étudiants et des professionnels du cinéma. C’est une de nos missions, et non la moindre, de recueillir les archives de cinéastes, de techniciens, de professionnels du cinéma. Pour en faire le meilleur usage auprès du public. La semaine dernière, dans la soirée du 9 octobre, Costa-Gavras, président de la Cinémathèque, avait convié quelques amis à l’intérieur de l’Espace Chercheurs de la Cinémathèque, à l’occasion de la mise en ligne de ce Fonds Louis Malle. Autour de lui, Justine Malle (fille du réalisateur), Vincent Malle (frère de Louis Malle), Pierre Billard, auteur d’une remarquable biographie (chez Plon), Renato Berta (directeur de la photographie de Au revoir les enfants et de Milou en mai), Catherine Demongeot (la Zazie du métro), Sylvette Baudrot, qui fut scripte sur Zazie dans le métro, et d’autres encore, eurent le loisir de circuler parmi les nombreux documents qui constituent ce fonds Malle. Pour le consulter, je vous renvoie sur le site : cineressources.bifi.fr

Justine Malle et Catherine Demongeot

Justine Malle, Costa-Gavras et Renato Berta

Ouverture de la Saison Guitry

mardi 9 octobre 2007

Ecrire son blog. Expression nouvelle, donc liberté nouvelle. A voir. Surtout, le moyen simple et direct de dire ce qui me paraît important de dire, au fil des jours, concernant la Cinémathèque française. Et de dialoguer avec les lecteurs, spectateurs, visiteurs, ou « blogueurs ».

C’est le troisième anniversaire de notre installation au 51 rue de Bercy, dans le 12è arrondissement. Je me souviens du 25 septembre 2005 comme d’une belle journée ensoleillée. Il y avait du monde sur la pelouse, devant le bâtiment conçu par l’architecte Frank Gehry, lors de l’inauguration de la nouvelle Cinémathèque. Des officiels bien sûr, dont le ministre de la culture et de la communication, Claude Berri, alors président de la Cinémathèque, mais également des cinéastes, des acteurs, des producteurs, des cinéphiles et de très nombreux amis de la Cinémathèque… Le soir, avant la projection d’une copie restaurée du film de Jean Renoir, Le Fleuve, Martin Scorsese avait fait un discours mémorable, sur l’avenir du cinéma. Scorsese disait que, quoi qu’on en dise, les nouvelles technologies, la révolution numérique, la fin probable de la pellicule argentique, le cinéma demeurait un art, et qu’il fallait le défendre. Protéger sa mémoire. C’est un noble combat, qui consiste dans le fait de transmettre au plus grand nombre les trésors du cinéma mondial. La Cinémathèque, disait-il aussi, est la maison des cinéastes du monde entier…C’est ce que nous nous efforçons d’être.

Notre rentrée 2007 a bien commencé, avec une rétrospective consacrée à Yasuzo Masumura et un hommage à Sidney Lumet. Celui-ci a donné une magnifique « Leçon de cinéma » le dimanche 9 septembre dans la salle « Henri Langlois » archi comble. Simplicité, humilité pourrait-on dire, grand sens professionnel et nombreuses anecdotes, très vivantes, sur la direction d’acteurs. Quand on sait que Lumet a dirigé Brando, Newman, Gene Hackman, Al Pacino, Henri Fonda, William Holden, Nick Nolte et tant d’autres… Après cette leçon, le public put découvrir en avant-première le dernier film de Sidney Lumet, Before the Devil Knows you’re Dead (sorti sous le titre 7h58 ce samedi-là). Film noir, tonique et très angoissant. Philip Seymour Hoffman y est impressionnant…

L’événement à venir concerne Sacha Guitry. 2007 est l’année du 50è anniversaire de la mort de l’auteur du Roman d’un tricheur. C’est surtout l’occasion de remettre Guitry au cœur de l’actualité cinématographique et artistique. La Cinémathèque s’y emploie à travers une exposition intitulée « Sacha Guitry, une vie d’artiste ». Conçue en partenariat avec la BnF, qui détient d’importants fonds Guitry (cela concerne aussi bien Lucien, le père, acteur, que Sacha). Noëlle Giret est conservatrice au sein du Département des Arts du spectacle, rue Richelieu. C’est elle qui veille sur ce fonds Guitry. Elle est venue me voir, il y a plus d’un an, accompagnée de Noël Herpe, enseignant et historien de cinéma. C’était pour me proposer une exposition consacrée à Guitry. J’ai immédiatement dit oui. Il me paraît excitant de revisiter Guitry : sa vie et son œuvre. Cet homme savait tout faire, bien que dénué du moindre diplôme. Un pur autodidacte (comme Truffaut, qui l’admira, et contribua à le réhabiliter dans les années 50). L’écriture, le jeu, la mise en scène, que ce soit pour le théâtre et le cinéma. Une vie bien remplie, une joie de travailler, et une joie d’admirer. Guitry avait du talent pour admirer ses pairs, en général des amis de son père Lucien. Ceux de chez nous, son premier film, date de 1915. On y voit tour à tour Monet, Degas, Rodin, Auguste Renoir, Octave Mirbeau, Anatole France, Antoine, et Sarah Bernhardt… Guitry n’était pas encore cinéaste, mais il avait d’instinct compris qu’il fallait filmer ces personnes illustres pour en garder éternellement l’image et le souvenir… L’exposition donnera, j’en suis sûr, une idée généreuse du parcours artistique de ce génie, sans crainte de parler des périodes plus noires ou plus contestées. Et la Cinémathèque jouera tout son rôle en proposant au public l’intégrale des films de Sacha Guitry.

L’événement Guitry est partout. Dans l’édition DVD (voir les coffrets proposés par StudioCanal, Gaumont Vidéo ou les éditions René Chateau), du côté des ouvrages en librairies, dans l’édition de CD reprenant des émissions radiophoniques où Guitry excellait, etc. Guitry revient aussi au théâtre, qu’au fond il n’a jamais quitté : les Brasseur, père et fils, dans Mon père avait raison, mis en scène par Bernard Murat au théâtre Edouard VII.

A partir du 17 octobre, la Cinémathèque ouvrir sa « Saison Sacha Guitry ».

Exposition Sacha Guitry