Archive pour le 10.2011

La réalisatrice iranienne Marzieh Vafamehr condamnée à un an de prison et 90 coups de fouet

mardi 11 octobre 2011

Paris, le 11 Octobre 2011

Le 8 octobre 2011, Marzieh Vafamehr, comédienne et réalisatrice iranienne, a été condamnée par le tribunal islamique de Téhéran à un an de prison ferme et 90 coups de fouet.

Nous, le Comité de Soutien aux Cinéastes Iraniens Emprisonnés, protestons fermement contre cette inculpation.

Marzieh Vafamehr a été arrêtée au mois de juin 2011 par la police politique du gouvernement iranien, et libérée fin juillet après avoir payé une caution dont le montant n’a pas été révélé. Marzieh Vafamehr est actuellement détenue à la prison « Ghartchak-Varamine » dans la banlieue de Téhéran.

Son seul délit est d’avoir participé à la production d’un film jugé immoral, Téhéran, ma foire. Le film, coproduit par l’Australie et réalisé par Granaz Moussavi, raconte l’histoire d’une jeune actrice vivant à Téhéran dont la pièce de théâtre est interdite par les autorités. Elle se voit contrainte de vivre clandestinement pour s’exprimer.

Bien que bénéficiant de l’autorisation de production du ministère de la culture et des mœurs islamique, ce film était distribué à travers le marché noir de DVD à Téhéran.

Le juge chargé du dossier de Marzieh Vafamehr a conclu que l’accusée n’avait pas respecté les droits religieux de la constitution iranienne. L’avocat de l’accusée a demandé aux autorités judiciaires la révision du procès.

Son mari, Naser Taghvaï, metteur en scène iranien de renommée internationale, a demandé à l’Organisation des Nations Unis de veiller à la condition de détention des cinéastes et artistes emprisonnés et de défendre leurs droits humains.

Le Comité de Soutien des Cinéastes Iraniens Emprisonnés demande aux instances internationales et aux organisations de défense des droits de l’homme de condamner l’inculpation de Marzieh Vafamehr par le tribunal islamique de Téhéran.

Nous apprenons par ailleurs que les deux cinéastes iraniens Nasser Saffarian et Mohsen Shhnazdar ont été libérés sous caution, et seront bientôt jugés par un tribunal.

Comité de soutien aux Cinéastes Iraniens

La Cinémathèque française, le Festival de Cannes, la SACD, la SRF, France Culture, l’ARP, la SCAM

cinemairan@ymail.com

Gérard Depardieu reçoit le prix Lumière 2011 à Lyon

dimanche 9 octobre 2011

Retour à Lyon, ce samedi, pour l’hommage à Gérard Depardieu, qui recevait hier soir le Grand prix Lumière 2011 pour l’ensemble de son œuvre. Dans l’après-midi, dans une des salles du Pathé Bellecour archi pleine, l’acteur est venu présenter Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat, Palme d’or au Festival de Cannes en 1987. Depardieu évoqua le tournage, la méthode, ou plutôt l’absence de méthode de Pialat, qui commençait à tourner lorsque la feuille de travail était épuisée, en fin de journée. Le reste du temps, ça parlait, ça parlait, ça riait, Pialat ayant tout un art de différer le moment de tournage. D’attendre la bonne heure, que lui seul percevait et qui ne correspondait jamais avec les horaires prévus. Daniel Toscan du Plantier, le producteur du film, lorsqu’il venait sur le tournage (dans le Nord, non loin de Boulogne-sur-Mer) trouvait souvent l’équipe technique occupée à ne rien faire, et Pialat et Depardieu en train de manger, de boire des coups, de discuter. De tout et de rien. De la vie qui passe. Et puis, dans un sursaut d’énergie, l’équipe se mettait en place et les scènes se tournaient en deux heures, tardives et supplémentaires, plutôt qu’en huit comme prévu. Pialat avait ce don – qui en irritait plus d’un – de laisser entrer la vie, mais aussi les crises, sur son plateau de tournage. Il avait en horreur que les choses se déroulent normalement, comme prévu, dans une sorte d’indifférence ou de routine ; il fallait qu’au moment où « ça tournait », quelque chose d’exceptionnel se déroule et vienne perturber la scène. C’était tout l’art de Maurice Pialat.

Depardieu a évoqué hier une des scènes parmi les plus intenses du film, celle où Pialat (qui joue Menou-Segrais) dit à L’abbé Donissan (Depardieu), au moment où celui-ci le quitte pour aller rejoindre la nouvelle paroisse où il est affecté, cette fameuse phrase de Bernanos : « Comme je me sens vieux, comme je me sens peu fait pour l’être. Jamais je ne veux savoir être vieux ». Pendant la prise, le cheval attaché à la carriole qui doit emporter Depardieu se met à chier. La prise faite, l’acteur se croit obligé de dire au metteur en scène : « Il a chié. Quoi ? Le cheval, il a chié. » Au-delà de l’anecdote – qui fit rire toute la salle – il y aurait ceci de plus sérieux à dire à propos du film, l’un des quatre réalisés par Pialat avec Depardieu : dans Sous le soleil de Satan, c’est presqu’autant Gérard Depardieu qui dirige Maurice Pialat acteur que l’inverse. Car Pialat n’était pas vraiment rassuré de jouer le rôle de Menou-Segrais et, si l’on revoit le film, et tout particulièrement cette scène des adieux, on voit bien dans le regard de Pialat acteur qu’il cherche de manière à peine visible l’acquiescement de son acteur. C’est aussi le miracle de ce film, pur joyau du cinéma français.

Le soir, après la projection de La Femme d’à côté, Bertrand Tavernier a prononcé un très bel hommage à Depardieu, sincère, profond, émouvant. Voyant chez cet acteur, sous la couche apparente de la force et de la puissance, la fragilité et la grâce. J’ose ajouter l’enfance. La bande annonce, longue de plusieurs minutes et faite d’une multitude de courts extraits de films dans lesquels Depardieu a joué, donnait en quelque sorte le vertige. Combien de films ? Combien de rôles ? Impossible de les compter tous. Depardieu a tout joué, il est passé par tous les états possibles, états d’âme, états physiques, jeune et moins jeune, jeune premier et acteur confirmé, jouant les voyous, les rebelles, généreux avec le cinéma, Tout le Cinéma : passant d’un genre à l’autre, d’une époque à une autre, de Pialat à Truffaut, de Ferreri à Corneau et Rappeneau, de Veber à Duras, de Miller à Blier, sans oublier Bertolucci, Sautet, Wajda, Rouffio, Zidi, Girod, Berri, Téchiné, Ozon, Giannoli, plus récemment Chabrol et tant d’autres encore. Incroyable disponibilité, incroyable capacité de métamorphose, incroyable humilité, et grande fidélité à lui-même et à une langue d’acteur. Par-delà les changements et la fuite du temps. Dans l’immense amphithéâtre du Centre de Congrès, devant 3000 spectateurs émus et enthousiastes, l’acteur reçut des mains de Fanny Ardant, avec humilité et humour – deux traits de son caractère – le prix Lumière 2011, entouré de nombreux amis rassemblés sur la scène. Il remercia la ville de Lyon et le Festival Lumière, ses organisateurs ; il y avait une tonalité grave dans ses propos, sans doute le spectre de « ses chers disparus » – Pïalat, Truffaut, Corneau, Ferreri… Il évoqua Truffaut qui tourna dans l’urgence La Femme d’à côté, tout à la joie de diriger Fanny Ardant dans son premier rôle au cinéma, et de filmer ce couple à l’écran : « ni avec toi ni sans toi ». Sur scène Depardieu tenait l’actrice contre lui, immense et protecteur. C’était beau à voir.

Lyon, Ville Lumière

vendredi 7 octobre 2011

Deux jours à Lyon, à l’occasion du festival Lumière 2011 qui en est à sa troisième édition. Il fait beau, en ce lundi après-midi, et la ville est splendide. C’est fou ce que Lyon a embelli, en quelques années. La soirée d’ouverture se tient dans la halle Tony Garnier, pleine à craquer. 4500 spectateurs sont venus découvrir The Artist de Michel Hazanavicius, en présence du réalisateur, des deux vedettes du film, Jean Dujardin et Bérénice Bejo, accompagnés du producteur Thomas Langmann. Auparavant, Thierry Frémaux, maître de cérémonie, fait applaudir les nombreux invités, de Stephen Frears à Jean-Paul Rappeneau, en passant par Benicio Del Toro, Jerry Schatzberg, Nelly Kaplan, Agnès Varda, Claude Lelouch, Luc Dardenne, Fatih Akin, Marthe Keller, Anouk Aimée, Micheline Presle, Carole Laure, Nicolas Saada, Yousry Nasrallah, Andrzej Zulawski, et bien sûr Bertrand Tavernier, président de l’Institut Lumière. Ce festival a ceci d’original qu’il programme des films anciens, de différentes époques, restaurés par des archives ou cinémathèques, et par des sociétés de production soucieuses de préserver les films de leur catalogue, des classiques du cinéma, auxquels s’ajoutent des hommages et des avant-premières. Cette année, 14 films de William Wellman, une intégrale Jacques Becker, une programmation de films Yakuza, la présence de Roger Corman, celle de Kevin Brownlow, entre autres. Et Gérard Depardieu, qui recevra ce week-end le Prix Lumière, remis il y a deux ans à Clint Eastwood et l’an dernier à Milos Forman.

À Lyon, la Cinémathèque française est à l’honneur avec trois restaurations : Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau, restauré avec Studio Canal et le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain. Le Quai des brumes de Marcel Carné, magnifique restauration (image + son) assumée par Camille Blot-Wellens pour le compte de la Cinémathèque et Studio Canal, toujours avec le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain. Enfin, Lumière d’été de Jean Grémillon, qui appartient au catalogue SNC (du groupe M6), dont la très belle restauration a été supervisée par Ellen Schafer.

Lundi soir, The Artist a enchanté le public lyonnais. L’ovation a duré plusieurs minutes. Michel Hazanavicius est revenu sur scène, entouré de ses deux acteurs, et l’on sentait le trio ému de voir (et d’entendre) combien leur film était aimé. Il n’est pas courant qu’un film soit vu en même temps par autant de spectateurs, c’est aussi la particularité qu’offre ce festival.

Quelques amis font la fine bouche devant The Artist, reprochant au film d’être l’œuvre d’un copiste talentueux. Selon moi, The Artist est bien plus que cela : c’est un film fait avec beaucoup de précision et d’amour, sans aucune faute de goût. Aucune vulgarité. Ce n’est pas courant dans le cinéma populaire français, souvent racoleur, peu soigneux et sans la moindre trace de mise en scène. The Artist est fait avec soin, et tout dans le moindre détail relève d’une vraie connaissance du cinéma muet de la fin des années 20. Non seulement une connaissance, mais une vraie passion du cinéma de cette époque, celle du passage au parlant. Michel Hazanavicius a visionné un grand nombre de films de l’époque, américains et français, et il manifeste un incroyable talent pour en reconstituer le rythme ou le tempo, en composer les plans et le cadrage, le format, la gestuelle des acteurs, les mimiques, et jusqu’au moindre figurant. Un film de 1927, comme si on y était. Les voitures, les rues de Los Angeles, les costumes, les tournages, le gros producteur fumant son cigare (l’excellent John Goodman), les assistants et leur porte-voix, tout fonctionne dans le registre de la reconstitution. Simple exercice mimétique ? Il me semble que The Artist est bien plus que cela : une déclaration d’amour au cinéma, interprétée avec joie et entrain par deux excellents acteurs, Jean Dujardin et Bérénice Bejo. Sans oublier le chien, ce chien qui joue aussi bien que son maître, et qui lui sauve la vie. Je n’en dis pas davantage, le film sort en salles mercredi prochain.

1931, c’est l’année où William Wellman réalise ce pur chef-d’œuvre : Other Men’s Women, l’histoire d’un amour à trois, qui joue sur la frontière de la comédie et du mélodrame. Bill White (Grant Withers) et Jack Kulper (Regis Toomey) sont cheminots et conduisent la même locomotive : les meilleurs amis du monde. Bill est célibataire, fêtard et séducteur, tandis que Jack est marié à Lily (sublime Mary Astor). Bill vient s’installer chez Jack et Lily, l’ambiance est légère et gaie, Lily et Bill s’entendent à merveille, se chamaillent comme frère et sœur. Un matin où Jack a quitté la maison, Lily remarque qu’un bouton manque à la chemise que porte Bill. Elle le lui recoud, leurs visages sont si proches l’un de l’autre… Ça commence comme un jeu, Bill enlace Lily, l’amour est plus fort que l’amitié. Vont-ils l’avouer à Jack ? Lorsque celui-ci revient, Lily est affairée à la cuisine, elle sort du four le rôti qu’elle a fait cuir et lui demande de couper la viande. La table est mise pour trois, Jack appelle Bill, pas de réponse. Il le cherche, va dans sa chambre et comprend que Bill est parti. Lorsque les deux amis se retrouvent sur leur locomotive, une explication a lieu, ils se bagarrent violemment, Jack tombe, c’est l’accident. Le film bascule dans le mélodrame. Jack est aveugle, il ne veut plus (ne peut plus) voir Bill. Comprenant que Lily se dévoue pour lui, il lui demande de partir, d’aller chez ses parents. Bill reprend son travail, Jack fréquente la petite communauté de cheminots, joueurs et bons buveurs. Un terrible orage s’abat sur la région, la rivière déborde et menace de tout emporter. Bill se bat pour convaincre son chef qu’il peut conduire la locomotive jusqu’au pont, menacé d’être emporté par le torrent d’eaux. Il y parvient. Mais Jack s’est lui aussi décidé, on le voit marchant à tâtons, sous une pluie battante, jusqu’au train qu’il va conduire lui-même. Aveugle, il connaît le chemin par cœur et se guide au toucher. Les deux anciens amis se retrouvent dans la situation qu’ils connaissent par cœur : être ensemble sur leur locomotive. Cette fois, c’est Jack qui assomme Bill et le jette hors du train. À l’aveugle, Jack conduit la locomotive jusqu’au pont, risquant le tout pour le tout. Le pont s’effondre. Lily revient dans la petite ville et s’arrête au bistrot de la gare. Bill est là, comme à son habitude lorsque la locomotive qu’il conduit traverse l’endroit. Le regard qu’ils échangent en dit long sur l’absence de culpabilité qui imprègne, tout du long, le film de Wellman. Chacun a ses raisons, disait Renoir…

Le même jour, j’ai vu Les Forçats de la gloire (Story of G.I. Joe), réalisé en 1945 par William Wellman, magnifique film de guerre qui a inspiré Samuel Fuller et beaucoup d’autres cinéastes américains. Avec Robert Mitchum, et Burgess Meredith dans le rôle d’un correspondant de guerre. Film d’une force et d’une incroyable modernité. À l’Institut Lumière, les spectateurs, très nombreux, en étaient médusés.