Archive pour le 01.2013

Notre ami Jean-Henri Roger

jeudi 3 janvier 2013

Jean-Henri Roger ne connaîtra pas 2013. Il est mort vers vingt heures, le 31 décembre, dans sa maison de St Cast en Bretagne, après avoir préparé un dîner de fête.  Ce ne sera donc pas la fête pour tous les amis de cet éternel jeune homme fougueux et bavard, toujours sur la brèche. Nous nous connaissions depuis quarante ans et, j’ai beau chercher, je n’ai pas d’autre exemple d’un être aussi fidèle que lui à ce que fut sa jeunesse, à ce que furent ses engagements, à ce que fut sa passion du militantisme politique et culturel. Les années ont passé, les causes ont changé, et nous avec. Jean-Henri demeurait sur la brèche, toujours disponible pour participer à la lutte, à défendre les sans-papiers, à organiser la résistance, à réaliser des films militants. Il en devenait parfois excessif, mais sa sincérité était pure, intacte, sa loyauté aussi. Il y avait une cause à défendre, Jean-Henri Roger était en première ligne. Je trouvais qu’il avait grossi, ces dernières années, et je m’inquiétais de sa santé. Il buvait, il mangeait, il fumait. Ses proches aussi. Serge Le Péron, qui m’a annoncé lundi la nouvelle, la voix secouée de larmes au téléphone, veillait sur son ami et s’inquiétait de son état, le trouvant ces derniers temps déprimé. Mais Jean-Henri rebondissait sans cesse, même après de graves accidents qui en auraient laissé d’autres sur le carreau. Il avait une force de vie et une énergie incroyables, bien au-dessus de la moyenne. C’est aussi pour cela que nous l’aimions.

Jean-Henri a coréalisé deux films avec Juliet Berto, Neige et Cap Canaille. Je me souviens d’elle et lui, à Cannes, en mai 1981, quand Neige avait été sélectionné en compétition officielle. Le bonheur et la jeunesse, l’insouciance également, parcouraient La Croisette. Juliet est morte quelques années plus tard, tout le monde était triste, Jean-Henri surtout. Quelques années auparavant, Jean-Henri avait été proche de Godard et de Jean-Pierre Gorin, à travers le Groupe Dziga Vertov. C’était en 1969, juste après Mai 68 : British Sounds et Pravda, films vus et revus, et qui ont été pour nous comme des films d’école, des films d’apprentissage, pour mieux comprendre et voir le cinéma, et à quoi servent les images et les sons. Jean-Henri a bourlingué, enseigné le cinéma à Vincennes, puis à l’Université de Paris 8 Saint-Denis, dont il a même été à un moment le Vice-président, il a eu des responsabilités à la SRF, participé à la création de l’ACID, toujours prêt à se battre pour le cinéma et la liberté. Je vois bien qu’en écrivant, je commence à être solennel. Jean-Henri, entre autres qualités, ne se prenait pas trop au sérieux, la vie était un jeu et il s’amusait. Il vivait et il aidait les autres à vivre. C’est fou ce qu’il s’est amusé. On aurait aimé continuer de s’amuser avec lui. Comme avant.

Une pensée affectueuse à ses trois filles: Jane, Félice et Paula, ainsi qu’à Marie et Isabelle. Et à tous les amis de Jean-Henri.

Les obsèques de Jean-Henri Roger auront lieu mercredi 9 janvier 20123, à 10h30 au Père Lachaise.