Archive pour le 04.2012

Conversation avec Alain Cavalier

samedi 28 avril 2012

J’ai mis longtemps à convaincre Alain Cavalier d’accepter l’hommage que lui rend depuis jeudi la Cinémathèque française en programmant jusqu’au 9 mai tous ses films. Il hésitait, repoussait à plus tard, ou bien faisait le mort. La forme ne lui convenait pas, ou ce n’était pas le bon moment. Comme c’est l’homme le plus courtois que je connais, il ne me disait pas non, craignant de me faire de la peine, mais repoussait à plus tard. Il fallait faire preuve de patience.

Un jour, je l’ai invité à déjeuner dans un bistrot proche de la Cinémathèque, le Cartouche Café, où nous avons désormais nos habitudes. Et l’affaire s’est faite : non pas une rétrospective, encore moins un hommage, mais une conversation. Surtout, éviter l’embaumement. Voilà, je veux être là, présent tous les jours, présenter chacun de mes films aux spectateurs, en faire la préface. D’ailleurs, je souhaite m’installer durant douze jours dans une chambre d’hôtel à Bercy, comme si j’étais un visiteur étranger. Top là !

Jeudi soir, Alain Cavalier a présenté devant une salle comble Martin et Léa, un film bouleversant qu’il a réalisé en 1978, puis La Rencontre (1996), deux films qu’il avait choisis de mettre en vis-à-vis, ou plutôt en regard, parce que ce sont deux films sur la rencontre amoureuse, pour inaugurer cette « conversation ». Jusqu’au 9 mai, le public a rendez-vous quotidiennement avec le cinéaste. Il s’agit bien de montrer l’œuvre intégrale d’Alain Cavalier, films et suppléments, bonus, petits films se présentant sous forme de messages, de préfaces ou de commentaires. Alain Cavalier prend la parole avant chaque projection (justement, pour « préfacer » ses films), dialogue après, et assiste au fond de la salle aux projections, ce qu’il ne fait jamais d’ordinaire. Une chance pour les spectateurs de la Cinémathèque ! Du coup, cette « rétrospective » est devenue un acte vivant, j’ose dire militant, en effet une conversation « non stop » avec le public, une manière originale de revisiter l’œuvre, d’évoquer le passé en en parlant au présent.

Je n’étais pas le seul à remarquer combien Alain Cavalier était ému en rejoignant le devant de la salle, après la projection de Martin et Léa. Bouleversé d’avoir revu ses deux acteurs magnifiques, Isabelle Ho et Xavier Saint-Macary, un vrai couple dans la vie, interprétant les personnages principaux du film, morts tous les deux quelques années plus tard, en pleine jeunesse. Le couple est bouleversant dans le film, lui un peu gauche, maladroit, elle souveraine dans sa beauté sombre. Ce qui traverse le cinéma d’Alain Cavalier, c’est la manière incroyable qu’il a de filmer l’intime. A la fin de Martin et Léa, Isabelle Ho est enceinte, Xavier Saint-Macary caresse avec douceur son ventre rond, plein d’une fille à venir. L’intime inclue le rapport amoureux bien sûr, mais aussi le rapport aux objets, à la nature, à l’infiniment petit (voir La Rencontre, celle d’Alain Cavalier avec Françoise Widhoff).

En acceptant d’être présent à la Cinémathèque, Alain Cavalier a émis un autre vœu, celui de réaliser chaque jour un film court, avec sa petite caméra numérique dont il ne se sépare jamais, et de le « poster » sur le site internet de la Cinémathèque. Je vous invite à vous rendre sur le site www.cinematheque.fr Vous y découvrirez les premiers « messages » que nous envoie le cinéaste. Comme des cadeaux.

Hier, le film d’une minute et douze secondes qu’il nous a offert, revêt pour moi une valeur sentimentale, et surtout symbolique incroyable. Voilà, c’était un jour de juin 2005. Nous étions à peine installés dans le bâtiment de Frank Gehry, 51 rue de Bercy. La Cinémathèque était encore inachevée, nous préparions activement l’ouverture au public, prévue pour fin septembre 2005. Alain Cavalier m’avait dit qu’il serait heureux de visiter les lieux, encore vides. Je l’avais convié et l’avais amené jusqu’à l’entrée de la salle Henri Langlois, celle-là même nous étions 400 à l’applaudir jeudi soir. La salle était à peine achevée, les fauteuils bleu nuit installés, la cabine prête à projeter des films. Mais aucun n’avait encore était projeté, et aucun spectateur ne s’était encore assis dans cette salle. Le lieu était vierge de toute image. Alain Cavalier s’est mis dans l’entrebâillement de la porte, il n’a pas voulu pénétrer dans la salle, ce qui aurait sans doute été pour lui une sorte de sacrilège. Il m’a demandé s’il pouvait filmer. Évidemment ! Et il a filmé, juste une minute, la salle noire, puis éclairée, tandis que nous murmurions notre enthousiasme, complices. C’est la première image, l’acte de baptême de la salle Henri Langlois. Un moment sacré. Allez voir sur www.cinématheque.fr Un vrai cadeau !

Samedi 28 avril, Alain Cavalier présentera La Chamade à 19 heures, et L’Insoumis à 21h30.

Dimanche 29 avril, Vies à 19heures, Le Filmeur à 21h30.

Pour visionner les films réalisés chaque jour par Alain Cavalier, aller sur : http://www.cinematheque.fr/fr/dans-salles/hommages-retrospectives/alain-cavalier-cinemathe.html