Archive pour le 4.01.2008

Osons noter la ministre…

vendredi 4 janvier 2008

Retour de vacances. C’est la nouvelle année ! Que peut-on souhaiter en 2008 ? Que le cinéma aille mieux, qu’il séduise et émerveille son public. Ce serait la moindre des choses. On sent que c’est de plus en plus dur, que quelque chose s’est un peu perdu ou dilué dans la relation qu’entretiennent les spectateurs avec le cinéma. Surtout, les jeunes y vont moins, alors que ce sont eux qui constituent depuis longtemps le noyau dur, fidèle. Tendance lourde qui pourrait devenir inquiétante. Au bénéfice d’Internet.

La question du piratage a été au centre des préoccupations des professionnels ces derniers mois. A juste titre. Et cela risque de continuer en 2008. J’avais lu avant Noël un sondage disant en gros que les jeunes étaient majoritairement contre la régulation en matière d’accès aux films sur Internet. Coup de chapeau aux sondeurs ! Oser poser la question, c’est déjà en connaître la réponse. Le rapport remis en décembre par Denis Olivennes, le patron de la Fnac, va dans le bon sens. Pas trop répressif, mais un peu quand même, et avec une certaine foi dans l’éducation civique des internautes. Qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien, qu’il faut expliquer, même si cela paraît vieillot, que la gratuité n’est pas la bonne solution. En tout cas, qu’elle menace l’existence même du cinéma. Comme elle menace déjà fortement l’industrie musicale.

A part ça, 2008 démarre sur les chapeaux de roue. Les vacances privées du Président en Egypte. Les vœux de fin d’année qui promettaient du nouveau… On attend encore ! La libération de trois otages en Colombie remise à on ne sait quand. On voyait chaque soir au journal télévisé les avions et hélicoptères prêts à décoller pour aller chercher les otages. Tristesse devant cette mise en scène ridicule et cruelle où l’interlocuteur, en l’occurrence les FARC, est absent, fait défaut, ne tient pas parole. L’assassinat de Benazir Bhutto au Pakistan. La campagne américaine qui entre dans la dernière ligne droite. Le prix du baril de pétrole qui monte, qui monte… Tout va très vite, trop vite. Les images se succèdent à une vitesse folle. Impossible d’arrêter le mouvement, de faire une pose. La pensée a du mal à suivre, vous ne trouvez pas ? Qu’est-ce que l’on ressent au fond, sinon que les tensions montent, et que le monde est de plus en plus soumis à des rapports de force invisibles, souterrains.

On nous annonce que dorénavant les ministres seront notés, jugés au résultat. Ah bon ? Ce n’était pas le cas avant ? Pouvaient-ils faire n’importe quoi sans que quiconque n’intervienne pour les recadrer ? Je ne sais pas si c’est vrai, mais dans ce cas cela vaut son pesant de… Il paraît que la ministre de la culture et de la communication, Christine Albanel, sera dorénavant « jugée » ou notée en fonction de certains critères, parmi lesquels : le nombre d’entrées gratuites dans les quatorze musées qui, en France, expérimentent la gratuité, et ceux qui la pratiquent à certaines heures ou certains jours de la semaine (pour les 18-25 ans). Ou encore : la part du cinéma français dans la fréquentation des films en salles. Que sais-je encore… Bref, que l’évaluation de l’action du ministère serait directement indexée sur les pratiques culturelles des citoyens. Cela revient à jouer à la roulette russe – on sait que l’on ne s’en sort jamais tout à fait indemne. Avoir des résultats lorsque l’on mène une action, qu’elle soit d’ailleurs publique ou privée, ne se juge pas uniquement de manière quantitative. Cela va sans dire. Mais il semble nécessaire, et presque ahurissant de le redire. Si la politique se résume à faire monter la pression, et uniquement ça, alors la politique a décidément peu d’avenir dans notre pays. Qu’il faille secouer le cocotier, d’accord. Redonner du sens et de l’énergie à nos projets. Soit. Mais pas à n’importe quel prix. Permettre au plus grand nombre d’accéder à la culture ou aux biens culturels, ne se juge pas selon les seuls critères quantitatifs. Même si les chiffres ont de l’importance. Travailler sur le long terme, créer de véritables relations de confiance entre un théâtre, un musée, une institution culturelle, une cinémathèque, eh oui : une cinémathèque, cela demande du temps. Et de la patience. Et de la confiance.

Sean Penn

Joli coup de Gilles Jacob et de Thierry Frémaux, annonçant que Sean Penn sera le président du jury de la 61ème édition du Festival de Cannes, en mai prochain. Choisir un acteur-cinéaste plutôt jeune, à la fois star connue et reconnue, mais aussi cinéaste exigeant (son nouveau film, Into the Wild, sort le 9 janvier, dont la photo est due à Eric Gauthier, le chef op’ de Deslechin, Assayas et Resnais), et personnalité engagée – on sait que Sean Penn a pris position de manière très ferme contre George W. Bush pour sa politique en Irak et en Afghanistan. Ce choix contribue à remettre le cinéma au cœur de nos préoccupations, à la fois le rêve et l’art, mais aussi l’engagement moral ou citoyen.

Un mot pour dire grand bien d’un film documentaire de Laurent Perrin, qui passe aujourd’hui même sur Cinécinéma Culte, à 18 heures : Dominique Laffin, portrait d’une enfant pas sage. Laurent Perrin a réalisé son premier long métrage, Passage secret, avec Dominique Laffin. C’était en 1985. Il se trouve que ce fut le dernier film de cette actrice extraordinaire, qui avait quelque chose d’unique en elle : sa beauté, une voix rayée, une manière d’être et de jouer, de tout donner au cinéma, à ses rôles. Chez Doillon (l’inoubliable Femme qui pleure), chez Claude Miller (elle est sublime dans ce beau film, avec Depardieu et Miou-Miou : Dites-lui que je l’aime, d’après Patricia Highsmith), ou encore dans Tapage nocturne de Catherine Breillat. Ou encore chez Pascal Kané (Liberty Belle). Ou chez Marco Ferreri dans Chiedo Asilo, sorti aussi sous le titre de Pipicacadodo. Dominique Laffin avait tout pour elle. Tout pour réussir une carrière brillante, souveraine. De la graine de star populaire. Mais elle était fragile, elle prenait des risques, jouait sans filet. Elle est morte à 33 ans. Le cinéma lui doit tant. Catherine Breillat, Josiane Balasko, Gérard Zingg, Jean-Marie Poiré, Claude Miller, Pascal Kané, Laurent Perrin lui-même, dont les images d’archives le montrent tel un premier communiant heureux de réaliser son premier film avec une fille aussi belle et aussi chouette, interviennent dans ce document très émouvant. Inoubliable Laffin.