Archive pour le 7.06.2011

Dans la famille Garrel, je demande Maurice

mardi 7 juin 2011

Dans la famille Garrel, je demande Maurice. Acteur magnifiquement sobre, au visage sculpté sur le mode antique. Voix profonde et rauque, si particulière. Beau regard et grande séduction. Maurice Garrel vient de mourir à l’âge de 88 ans. Sa carrière fut dense, plus de cent-vingt films et moult téléfilms, apparitions, rôles secondaires et quelques rôles marquants qui ont fait de cet acteur intense une figure familière du cinéma français. Sans oublier le théâtre, Claudel, Brecht, Adamov…

On attend avec impatience de voir son dernier film, Un été brûlant, réalisé par Philippe Garrel, avec Louis Garrel et Monica Belluci. La saga des Garrel. Le père aura joué dans de très nombreux films du fils Philippe (Sauvage innocence, Les Amants réguliers, Le Cœur fantôme, Les Baisers de secours, Liberté, la nuit, etc.), et plus récemment avec Louis comme partenaire. Le grand-père, son fils et le fils de son fils – cela fait une famille de cinéma. D’artistes du cinéma. Le hasard fait que la dernière image que nous aurons de Maurice Garrel acteur sera éternellement liée à un film de Philippe Garrel, un des artistes les plus essentiels du cinéma français. Pour moi Maurice Garrel restera éternellement attaché à une figure de résistant – je me souviens de lui dans Drôle de jeu, le film réalisé en 1968 par Pierre Kast, adapté du roman de Roger Vailland, dans lequel il a pour nom de résistance Marat. Maurice Garrel ou la figure du militant politique. Homme de l’ombre = acteur de l’ombre ? Celui qui porte les valises, le clandestin, l’homme secret impliqué dans des réseaux invisibles et mystérieux. Il a été l’interprète de films réalisés par Alain Cavalier (L’Insoumis et Le Combat dans l’île, à revoir), Costa-Gavras (Un homme de trop), Jacques Doniol-Valcroze (La Maison des bories), Claude Sautet (Un cœur en hiver), Claude Chabrol (Nada), Claude Lelouch (Edith et Marcel), Jacques Rivette (Merry-Go-Round) et beaucoup d’autres. Dans La Peau douce de Truffaut, il fait partie de la petite bande d’intellos parasites autour de Daniel Ceccaldi, qui accueillent Jean Desailly à Reims venu faire une conférence sur André Gide, empêtré dans sa relation adultère avec la sublime Françoise Dorléac. Je me souviens de Maurice Garrel dans le premier film réalisé par son ami Michel Piccoli, Alors voilà (1997), où il était son alter ego, ou son double à l’écran. C’était un acteur engagé, ce qui veut dire impliqué, concerné par son temps. Maurice Garrel incarnait l’élégance et la souveraineté. Inoubliable.