Archive pour le 17.10.2007

Le rôle de la Cinémathèque

mercredi 17 octobre 2007

La Cinémathèque a changé d’échelle. Ses activités se sont multipliées. Et le public est au rendez-vous. Tout cela est lié à l’installation rue de Bercy. La programmation de nos trois salles, les ateliers et séances pédagogiques auprès des élèves, collégiens et enseignants du scolaire, les rencontres autour de cinéastes (la dernière en date : avec Sidney Lumet), ou de professionnels du cinéma, les expositions consacrées au cinéma (celle sur Sacha Guitry ouvre demain : il faut s’y précipiter !), l’ouverture de la librairie, etc. L’offre publique s’est accrue, suite logique au redéploiement de notre institution.

Certains directeurs de salles indépendantes parisiennes ont mal réagi à ce renouveau de la Cinémathèque. Ils nous reprochent d’exercer à leur encontre une concurrence déloyale en termes de programmation comme de politique tarifaire. Pour apaiser leurs craintes, nous avons entamé avec eux des discussions amicales visant à la mise en place de nouvelles règles en matière de location de films dont les droits de distribution leur appartiennent, même si ces films font partie des collections de la Cinémathèque. Nous ferons tout pour apaiser ces craintes, en partie fondées. Mais on ne fera croire à personne qu’elles datent de la réouverture de la Cinémathèque. Le processus de redéploiement des salles de cinéma parisiennes (en particulier vers les Halles ou vers Bercy), comme d’ailleurs dans la région parisienne et les grandes villes de province, a été lourd de conséquences. L’ancien public cinéphile n’est plus là où on le trouvait il y a dix ou quinze ans : il est aujourd’hui partout et nulle part, achète des DVD, regarde des films du patrimoine à la télévision ou sur internet, fréquente la Cinémathèque et les salles Art et Essai. Il va là où sa curiosité le guide. Moins fidèle, plus volatil. Mais toujours là ! Chacun sait que le développement des multiplexes a eu des conséquences très fortes sur le mode d’accès aux films. En général, au détriment des salles implantées dans les centres villes. C’est vrai, le Quartier latin n’est plus ce qu’il était… Au-delà de la nostalgie, il y a ce fait indiscutable : la Cinémathèque n’est pas, ne peut pas être et ne sera pas un obstacle au rayonnement de l’Art et Essai. Elle demeure ce qu’elle a toujours été : un musée du cinéma. C’est-à-dire un lieu qui montre le cinéma, tout le Cinéma, en partant des origines et en remontant le fil ou les fils de son histoire.

La grande majorité des films que programme la Cinémathèque ne sont plus en distribution. Ce sont des films qui appartiennent au « répertoire » mais qui ne circulent plus sur les écrans, y compris ceux classés « Art et Essai ». Ainsi, lorsque la Cinémathèque programme 45 films de Yasuzo Masumura (ce qu’elle a fait depuis le mois de septembre), seuls quatre d’entre eux sont encore en distribution. Nous faisons venir ces films de Masumura du Japon, nous en faisons les sous-titres et nous les programmons à raison de deux séances par film. Pour un public de curieux. Cela ne ressemble en rien à une exploitation commerciale. Parce qu’elle est un musée, la Cinémathèque programme des intégrales d’auteurs. Il en est ainsi de Sacha Guitry (à partir du 17 octobre, et pendant deux mois), dont les films plus connus sortent en même temps dans quelques salles d’Art et Essai et sont programmés sur des chaînes cinéphiles. Sans parler des films du grand documentariste anglais, Humphrey Jennings, inconnu des spectateurs les plus avertis et dont aucun film n’est en distribution.

A nos amis exploitants et distributeurs de l’Art et Essai, nous disons ceci : que la Cinémathèque redevienne un lieu vivant, attirant une nouvelle génération de spectateurs, ne peut être qu’un encouragement au renouveau d’un public fervent et curieux, susceptible de fréquenter aussi les salles de répertoire. Montrer Guitry ici donne envie de revoir Guitry ailleurs. C’est une logique positive, qui redonne au cinéma que nous aimons une visibilité.

La Cinémathèque, c’est aussi autre chose. Des collections, des appareils, une bibliothèque du film. La collecte permanente de tout ce qui touche à l’histoire du cinéma et « la fabrique » des films. Le « non film », formule étrange qui définit les éléments les plus divers qui concourent à la réalisation des films (du scénario à l’affiche, en passant par les éléments de décors, costumes, appareils, etc.), a lui aussi pris une nouvelle dimension. C’est plus manifeste encore depuis la fusion récente intervenue entre la Bifi (Bibliothèque du film) et la Cinémathèque, au début de cette année 2007.

Un exemple particulièrement intéressant concerne les archives de Louis Malle. Celui-ci de son vivant avait commencé à confier à la Cinémathèque une partie de ses documents. A sa mort survenue en 1995, sa famille décida de confier à la Bifi la totalité des archives du cinéaste, nombreuses et très diverses (scénarios annotés, correspondances, etc. : plus de 1000 boîtes d’archives !). Les équipes de la Bifi ont alors entrepris un passionnant travail de classement, de catalogage, d’indexation. Ce travail est aujourd’hui achevé. La Cinémathèque est heureuse de mettre ce « Fonds Louis Malle » à la disposition des chercheurs, des étudiants et des professionnels du cinéma. C’est une de nos missions, et non la moindre, de recueillir les archives de cinéastes, de techniciens, de professionnels du cinéma. Pour en faire le meilleur usage auprès du public. La semaine dernière, dans la soirée du 9 octobre, Costa-Gavras, président de la Cinémathèque, avait convié quelques amis à l’intérieur de l’Espace Chercheurs de la Cinémathèque, à l’occasion de la mise en ligne de ce Fonds Louis Malle. Autour de lui, Justine Malle (fille du réalisateur), Vincent Malle (frère de Louis Malle), Pierre Billard, auteur d’une remarquable biographie (chez Plon), Renato Berta (directeur de la photographie de Au revoir les enfants et de Milou en mai), Catherine Demongeot (la Zazie du métro), Sylvette Baudrot, qui fut scripte sur Zazie dans le métro, et d’autres encore, eurent le loisir de circuler parmi les nombreux documents qui constituent ce fonds Malle. Pour le consulter, je vous renvoie sur le site : cineressources.bifi.fr

Justine Malle et Catherine Demongeot

Justine Malle, Costa-Gavras et Renato Berta