Archive pour le 10.05.2011

Tomboy, LE film à voir

mardi 10 mai 2011

Tomboy est LE film à voir en ce moment dans les salles. C’est le deuxième film de Céline Sciamma, qui avait réalisé Naissance des pieuvres il y a deux ou trois ans, une ancienne élève de La fémis. Un talent fou. Du grand cinéma, sans crier gare. Le sujet ne rameute pas mais remue au plus profond. Mélange de malaise et de séduction. La mise en scène est pile poil, juste, élégante, discrète. Le film vient de sortir et connaît un vrai succès public (déjà plus de 100.000 spectateurs en France, deux semaines après la sortie, distribué par Pyramide).

Tomboy c’est l’histoire de Laure, une jeune fille qui se fait mystérieusement appeler Mikaël, dès qu’elle joue avec les gosses du voisinage. On ne va pas déflorer le sujet car il est tellement plus agréable de se laisser aller au plaisir du récit. J’ai rarement vu un (jeune) personnage aussi charmant et troublant, imperturbable, que cette Laure/Mikaël, interprété par Zoé Héran. Une force intérieure et douce, alimentée par un silence (des origines). La petite sœur de Laure s’appelle Jeanne (dans la vie : Malonn Lévana). Elle est jolie, joue avec sa sœur en toute innocence, avec un brin de perversité qui la fait ressembler à la gamine de La Nuit du chasseur. Leurs jeux sont filmés de près, la caméra créant une intimité qui nous fait pénétrer à l’intérieur d’une famille « normale » qui vient d’aménager dans un appartement situé dans une résidence. Mais où sommes-nous ? Quelque part non loin d’une forêt et d’une rivière. Peu importe. Sauf que le paysage a une réelle importance, proposant à Laure une ère de jeux et de liberté propice à son imagination fertile. La mère (Sophie Cattani) est enceinte. Le père (Mathieu Demy) travaille sur son ordinateur. Tout est en place, les sentiments sont présents, généreux. Mais Laure est trop lisse et trop belle pour ne pas devenir inquiétante. Jusqu’où ira-t-elle, dans ce vertige dont elle seule connaît la limite et qui met en péril sa propre identité ? Le regard de Céline Sciamma est juste, on l’a dit, mais il est aussi neutre, laissant au personnage le soin d’aller au plus loin dans son aventure intérieure. Il ne porte pas de jugement, de même qu’il ne fait jamais appel au regard moralisateur et réprobateur des autres, celui des Parents ou de la Société. C’est juste un épisode solitaire, précis et profondément troublant, de ce qu’est en mesure de produire le « monde de l’enfance ». On en sort troublé mais séduit. On essaie de comprendre mais à rebours. Qu’est-ce qui… ? Pourquoi… ? Rien à dire : c’est comme ça. A prendre ou à laisser. On s’est pris de sympathie, voire plus : d’empathie, avec une toute jeune fille absolument déconcertante tellement elle a du charme et du mystère, et qui nous entraîne dans des coins très reculés et mystérieux de l’enfance. A voir séance tenante.