Archive pour le 16.06.2010

Roger Diamantis, un ami du cinéma

mercredi 16 juin 2010

Roger Diamantis était un homme délicieux, agréable, pacifique et courtois. Assez renfermé, presque timide, mais l’œil vif et toujours aux aguets. Il fallait aller à lui, gagner sa confiance. Mais une fois qu’il vous l’accordait, tout devenait simple et humain.

Sa mort survenue il y a deux jours laisse ses nombreux amis dans la tristesse. Roger symbolisait à lui seul le mouvement Art et Essai. Avec ses trois écrans du Saint André des Arts, il incarnait avec vaillance et originalité l’essence même de l’Art et Essai, c’est-à-dire la recherche et la découverte de nouveaux talents, la fidélité à des auteurs de prédilection : Alain Tanner, Nagisa Oshima, Marguerite Duras, Ken Loach, Wim Wenders, Raymond Depardon, Alain Cavalier, Hervé Le Roux, Nicolas Philibert et tant d’autres.

Roger Diamantis concevait ses salles comme le lieu d’exposition des films qu’il aimait. Le mot « exploitant » lui allait si mal : il exposait les films, leur accordant un temps de vie assez long qui permettait au public de venir en prenant son temps. C’était au temps où l’on ne se pressait pas, où le cinéma avait du temps devant lui. On allait au Saint André en confiance, sachant que Roger Diamantis lui-même avait pris son temps pour choisir les films, un par un. Il les choisissait en fonction de son goût, de ses désirs, de se son intime conviction, comme l’on se rend au marché pour choisir un fruit frais ou un légume, en connaissance de cause. Eh bien, les films il les pesait et les soupesait, mais une fois son choix fait, il les défendait jusqu’au bout. C’était aussi le temps de sa grande complicité avec son double féminin, Pascale Dauman, distributrice et productrice (Pari Films), l’âge d’or des années Wenders.

Roger Diamantis était cinéphile, il avait d’ailleurs réalisé un film. Son unique film : Si j’ te cherche… j’ me trouve, en 1974, dans lequel il jouait aux côtés de Jean-François Stévenin, François Weyergans et Jean-Jacques Biraud. Dans la veine du cinéma de Stévenin et de John Cassavetes, leur idole commune.

Ces dernières années, Roger Diamantis ne cachait plus sa mélancolie, sa tristesse de voir le Quartier latin se transformer en quartier de fringue et de mal bouffe, devenir l’ombre de ce qu’il fut. Il voyait aussi le mouvement Art et Essai s’affaiblir du fait de l’hyper concentration de la distribution et de l’exploitation des films, souvent résigné de ne pouvoir obtenir des films qu’il aimait pour les exposer sur ses écrans. S’il tenait bon, le cœur n’y était plus.

Alain Tanner raconte souvent l’histoire de sa rencontre avec Roger Diamantis au Festival de Cannes en 1971. Il était là pour présenter son deuxième film, La Salamandre, à la Quinzaine des réalisateurs. Déjeunant avec un ami dan un restaurant, il a pour voisin de table un homme qui mange seul. Cet homme seul c’est Roger Diamantis, venu tout spécialement à Cannes pour tenter d’acheter les droits de La Salamandre. Écoutant ses voisins parler de cinéma, il ose leur demander si l’un des deux ne connaîtrait pas par hasard Alain Tanner… La Salamandre est resté plusieurs mois à l’affiche du Saint André des Arts. Ce fut le début d’une incroyable aventure…

Les obsèques de Roger Diamantis auront lieu jeudi 24 juin, à 16h30, au cimetière du Montparnasse.