Ouverture de la Saison Guitry

Ecrire son blog. Expression nouvelle, donc liberté nouvelle. A voir. Surtout, le moyen simple et direct de dire ce qui me paraît important de dire, au fil des jours, concernant la Cinémathèque française. Et de dialoguer avec les lecteurs, spectateurs, visiteurs, ou « blogueurs ».

C’est le troisième anniversaire de notre installation au 51 rue de Bercy, dans le 12è arrondissement. Je me souviens du 25 septembre 2005 comme d’une belle journée ensoleillée. Il y avait du monde sur la pelouse, devant le bâtiment conçu par l’architecte Frank Gehry, lors de l’inauguration de la nouvelle Cinémathèque. Des officiels bien sûr, dont le ministre de la culture et de la communication, Claude Berri, alors président de la Cinémathèque, mais également des cinéastes, des acteurs, des producteurs, des cinéphiles et de très nombreux amis de la Cinémathèque… Le soir, avant la projection d’une copie restaurée du film de Jean Renoir, Le Fleuve, Martin Scorsese avait fait un discours mémorable, sur l’avenir du cinéma. Scorsese disait que, quoi qu’on en dise, les nouvelles technologies, la révolution numérique, la fin probable de la pellicule argentique, le cinéma demeurait un art, et qu’il fallait le défendre. Protéger sa mémoire. C’est un noble combat, qui consiste dans le fait de transmettre au plus grand nombre les trésors du cinéma mondial. La Cinémathèque, disait-il aussi, est la maison des cinéastes du monde entier…C’est ce que nous nous efforçons d’être.

Notre rentrée 2007 a bien commencé, avec une rétrospective consacrée à Yasuzo Masumura et un hommage à Sidney Lumet. Celui-ci a donné une magnifique « Leçon de cinéma » le dimanche 9 septembre dans la salle « Henri Langlois » archi comble. Simplicité, humilité pourrait-on dire, grand sens professionnel et nombreuses anecdotes, très vivantes, sur la direction d’acteurs. Quand on sait que Lumet a dirigé Brando, Newman, Gene Hackman, Al Pacino, Henri Fonda, William Holden, Nick Nolte et tant d’autres… Après cette leçon, le public put découvrir en avant-première le dernier film de Sidney Lumet, Before the Devil Knows you’re Dead (sorti sous le titre 7h58 ce samedi-là). Film noir, tonique et très angoissant. Philip Seymour Hoffman y est impressionnant…

L’événement à venir concerne Sacha Guitry. 2007 est l’année du 50è anniversaire de la mort de l’auteur du Roman d’un tricheur. C’est surtout l’occasion de remettre Guitry au cœur de l’actualité cinématographique et artistique. La Cinémathèque s’y emploie à travers une exposition intitulée « Sacha Guitry, une vie d’artiste ». Conçue en partenariat avec la BnF, qui détient d’importants fonds Guitry (cela concerne aussi bien Lucien, le père, acteur, que Sacha). Noëlle Giret est conservatrice au sein du Département des Arts du spectacle, rue Richelieu. C’est elle qui veille sur ce fonds Guitry. Elle est venue me voir, il y a plus d’un an, accompagnée de Noël Herpe, enseignant et historien de cinéma. C’était pour me proposer une exposition consacrée à Guitry. J’ai immédiatement dit oui. Il me paraît excitant de revisiter Guitry : sa vie et son œuvre. Cet homme savait tout faire, bien que dénué du moindre diplôme. Un pur autodidacte (comme Truffaut, qui l’admira, et contribua à le réhabiliter dans les années 50). L’écriture, le jeu, la mise en scène, que ce soit pour le théâtre et le cinéma. Une vie bien remplie, une joie de travailler, et une joie d’admirer. Guitry avait du talent pour admirer ses pairs, en général des amis de son père Lucien. Ceux de chez nous, son premier film, date de 1915. On y voit tour à tour Monet, Degas, Rodin, Auguste Renoir, Octave Mirbeau, Anatole France, Antoine, et Sarah Bernhardt… Guitry n’était pas encore cinéaste, mais il avait d’instinct compris qu’il fallait filmer ces personnes illustres pour en garder éternellement l’image et le souvenir… L’exposition donnera, j’en suis sûr, une idée généreuse du parcours artistique de ce génie, sans crainte de parler des périodes plus noires ou plus contestées. Et la Cinémathèque jouera tout son rôle en proposant au public l’intégrale des films de Sacha Guitry.

L’événement Guitry est partout. Dans l’édition DVD (voir les coffrets proposés par StudioCanal, Gaumont Vidéo ou les éditions René Chateau), du côté des ouvrages en librairies, dans l’édition de CD reprenant des émissions radiophoniques où Guitry excellait, etc. Guitry revient aussi au théâtre, qu’au fond il n’a jamais quitté : les Brasseur, père et fils, dans Mon père avait raison, mis en scène par Bernard Murat au théâtre Edouard VII.

A partir du 17 octobre, la Cinémathèque ouvrir sa « Saison Sacha Guitry ».

Exposition Sacha Guitry

5 Réponses à “Ouverture de la Saison Guitry”

  1. Quidousse christian a écrit :

    Merveilleux… Formidable… Admirable Sacha Guitry ; les qualificatifs manquent pour caractériser cet immense artiste que j’adore depuis mon enfance. Quelle belle année que celle-ci où l’on célèbre le cinquantième anniversaire de sa disparition… et de quelle façon ! DVD, livres ainsi qu’une fabuleuse rétrospective à la cinémathèque (que j’irai visiter dès que mon emploi du temps me le permet). Qui pourrait répondre à cette question ? Concernant Madame Jacqueline Aubart, comment est-elle devenue ayant droit de Sacha Guitry ? Encore un mot… Bravo à toutes celles et ceux qui ont travaillé à l’élaboration de cet événement.

  2. Serge Toubiana a écrit :

    Madame Jacqueline Aubart est l’épouse de Pierre Aubart, aujourd’hui décédé. M. Aubart travaillait aux côtés de Sacha Guitry lorsque celui-ci réalisait et produisait ses films dans les années 50. N’ayant pas eu d’héritiers directs, Guitry désigna M. Aubart comme son héritier.

  3. Quidousse christian a écrit :

    Merci infiniment pour votre réponse…. Bien à vous !!

  4. thierry grillet a écrit :

    j’ai en tete ce texte de Guitry sur la solitude. Il parle, avec cette voix délcieusement timbrée, de ces moments où, lui, le mondain, l’entouré de toutes les heures, éprouve le besoin de se retirer, d’avoir un coin à soi. Il le dit dans cette langue simple, directe et si élégamment rhétorique. Je me souviens, en substance, de ce « ce n’est pas moi, en tournant la clé, que j’enferme. Ce sont les autres ». Et encore « Ce n’est qu’enfermé que je suis libre ». L’homme qui se décrit cancre dans son autobiographie a des profondeurs de philosophe…est-il possible de récupérer les références des textes qui ont été lus lors de la soirée d’inauguration ? et encore bravo, Serge, pour ton blog qui fait vivre autrement la culture cinéma. Amitiés Thierry Grillet

  5. Michel Voiturier a écrit :

    Message à l’attention de Christian Quidousse dont j’ai perdu les coordonnées.
    On jouera « Le Nouveau Testament » de S. Guitry au Théâtre du Nord, salle l’Idéal à Tourcoing du 12 au 15 février 2009. Par ailleurs, j’ai toujours à sa disposition le livre « Cent merveilles » que je lui avais promis.